De Mains De Maîtres - Biennale 2018 Catalogue de l'exposition
vouloir s’enfermer dans des frontières, ou porter aux nues des pratiques anciennes mais comprendre, au contraire, la nécessité de points d’ancrage pour mieux s’ouvrir… Un point sur le territoire est aussi un point de départ que ce soit par la pensée, - la contemplation et l’imagination nourries par la curiosité – ou bien physiquement, pour voyager, emportant dans ses bagages ce qui nous constitue et aller se frotter à la belle rugosité du monde. L’histoire de l’artisanat en est pleinement constituée (la porcelaine et la soie de Chine, le verre ou les velours de Venise, les indiennes d’Asie du Sud, l’arrivée en France des ébénistes et des tapissiers flamands, etc…). Au vu de leurs atouts pour la société contemporaine, il est dès lors essentiel de rappeler l’intelligence de ces métiers. Le constat reste trop souvent le même : certains d’entre eux intéressent peu car ils sont méconnus. Tailleur de pierre, maître verrier, vitrailliste staffeur, chaudronnier ou ferronnier (cette liste n’est pas close et elle mêle artisanat et artisanat d’art, c’est bien sûr fait exprès) sont des métiers frappés d’une pénurie de main d'œuvre et celle-ci met en péril la transmission intergénérationnelle de ces savoir-faire. Que veut-on dire ici par intelligence de ces métiers et donc de la main ? Il s’agit de comprendre ce qui s’opère quandunapprenti ouunartisandéveloppe sadextérité, son savoir-faire et les connaissances nécessaires à l’exercice de son métier. Comment les qualités manuelles acquises s’incorporent pour devenir des qualités intellectuelles et sociales ? Se développent au départ, l’autonomie et la responsabilisation. L’artisan qui débute sa carrière construit son autonomie au travers d’un juste équilibre entre expérience tirée de l’échec et sentiment de progression. « Se construire en faisant » provoque un épanouissement intérieur et non uniquement validé par un regard extérieur. Il façonne chez l’artisan un rapport singulier au monde et à la société dans laquelle il évolue. Cet épanouissement permet le développement de la confiance en soi, étape si importante pour un jeune adulte ou pour une personne en reconversion professionnelle. La facture artisanale implique ensuite de connaître toutes les étapes nécessaires à la réalisation d’une pièce. Le processus de responsabilisation est alors pleinement engagé. Ici, l’intelligence de l’acte (intelligence : inter legare , soit faire le lien entre les choses), contrairement à ce que l’on observe dans d’autres secteurs d’activités économiques, n’a jamais été rompue ou voilée. Cette manière de faire enseigne l’intérêt pour l’avant – d’où viennent les matières que l’on transforme ? – et crée les conditions pour l’innovation, soit le besoin de réfléchir l’étape qui va suivre et les améliorations qu’elle pourrait connaître. Cet intérêt pour l’après se matérialise dans un objet fait pour durer et pour être transmis, un objet digne d’intérêt et de fierté. Acquérir les bons gestes nécessite un long apprentissage au cours duquel l’artisan développe sa dextérité et sa concentration. Par là, il trouve son rythme propre et apprend l’importance de la constance. En évoquant succinctement ces qualités, il est aisé de comprendre qu’elles ne lui servent pas uniquement au travail mais l’influencent aussi dans sa façon d’habiter le monde. Voilà la raison de ce petit texte. Il a pour but, si vous le souhaitez, de vous accompagner dans l’exposition en dévoilant ce pan invisible de l’œuvre artisanale, rappelant que son intérêt ne se limite pas à sa dimension esthétique. Celle-ci est essentiellemais nous la laissons à votre appréciation en vous souhaitant, à notre tour, un bon voyage dans la deuxième biennale des métiers d’art du Luxembourg. 20 | DE MAINS DE MAÎTRES
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